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A la faveur du programme (dé)formations, l’Institut Paris Région a lancé un atelier favoriser les échanges et les expérimentations autours des méthodes inspirées du design et de l’intelligence collectives, diverses et utilisées dans différents contextes (études, contrats, recherches européennes, réunions préparatoires au SDRIF, programme (dé)formations…). Cet atelier mènera ce travail de façon coopérative en proposant un espace d’échanges, de valorisation et de production entre experts de l’Institut utilisateurs de ces méthodes. Il réunit un premier cercle d’une douzaine de personnes de plusieurs départements durant 2h tous les mois, jusqu’à la fin de l’année 2022. Transversal, il est porté par la direction générale. La 27ème région, laboratoire d’innovation d’action publique, est en appui à la démarche. Au lendemain du second atelier, quelques constats, et de premières pistes d’action pour la suite…

Premiers constats partagés

Il y a bien matière à partage et capitalisation à partir des expérimentations déjà menées par les participants à l’atelier. Celles-ci sont diverses, riches, innovantes. Elles sont plus souvent menées avec des partenaires extérieurs qu’en interne et résultent souvent d’initiatives individuelles ou de 2 ou 3 personnes travaillant de concert. Utilisées avec un objectif opérationnel à un moment d’un projet, elles sont bien acceptées par les partenaires. Elles sont aussi perçues comme utiles car elles contribuent à enrichir les projets, notamment par des connaissances nouvelles, une meilleure prise en compte des usages, davantage de participation, de formalisation, une logique d’essai erreur, des solutions plus ouvertes…

Les sources d’inspiration à partir desquelles ces méthodes sont construites sont diverses (design mais aussi méthodes de participation, sciences sociales appliquées, sciences de gestion, éducation populaire…) et sont retravaillées, bricolées, voir réinventées, pour les adapter au contexte et au projets. Elles sont complémentaires des méthodes classiques d’enquête et de conduite de projet. Lorsqu’elles sont racontées, elles semblent simples (trop simples ?), intuitives, faciles à mettre en œuvre ; elles reposent pourtant elles sur des compétences différentes de celles qui sont au cœur des pratiques professionnelles de l’Institut. Ces expérimentations supposent de « sortir » d’une posture d’expert pour adopter une posture de facilitateur, d’animateur, d’apporteur de méthodes (et non de contenus) et permettre l’intelligence collective. Cette évolution prend du temps et pose des question globales d’organisation (équilibre des charges de travail, reconnaissance, accompagnement, matériel nécessaire et organisation spatiale…). L’usage de ces méthodes suppose aussi qu’il soit possible d’expérimenter, en mode essai/erreur ; cela veut dire avoir le temps et la liberté pour innover, admettre que cela ne fonctionne pas toujours, accepter d’être surpris ou déçu par ce qui se passe. Les échanges montrent que cette posture d’expérimentation est possible à L’Institut.

La connaissance et l’utilisation de ces méthodes innovantes est récente et encore modeste à l’Institut. Leur diffusion a été facilitée par les récents plans de formation qui proposent une large palette d’initiation / approfondissement à ces méthodes (design public, formation de formateurs, animation de réunions…). La recherche action (Dé)formations y contribue. L’autoformation (lectures, recherches internet…), la participation à des rencontres (FNAU par exemple), les échanges informels avec des collègues ou partenaires, la mobilisation des réseaux personnels et professionnels jouent aussi un rôle important. Toutes ces initiatives sont complémentaires et à soutenir.

Premières pistes d’action

. Ces expérimentations et méthodes innovantes font rarement l’objet de retours d’expériences et de capitalisation. Il y a peu ou pas d’argumentaire sur leur utilité pour l’Institut. Il n’y avait pas jusqu’à présent d’attentes en ce sens, ni de supports pour le faire. La situation est différente pour les Agences régionales énergie climat ou biodiversité, qui inscrivent l’accompagnement des acteurs dans leurs missions.

. La diffusion progressive de ces méthodes à l’Institut et un besoin croissant d’aller vers plus de participation font bouger les lignes. Il paraît aujourd’hui utile de mettre en place cet atelier d’échanges d’expériences et de valorisation.

. L’atelier fonctionne de façon souple, agile et légère en évitant des écueils tels que le « fétichisme méthodologique » (penser que la méthode est une fin en soi) ou la tentation d’exhaustivité dans le recensement et la valorisation des méthodes (l’objectif n’est pas de multiplier les récits d’expérimentation mais d’en valoriser quelques-uns et d’expliquer pourquoi ils sont utiles).

. Le format de l’atelier permet cette souplesse. Il propose une rencontre mensuelle pour échanger sur des retour d’expériences, s’entraider, organiser des tests de méthodes à 2 ou 3 en fonction de ses centres d’intérêt, s’inspirer des témoignages de personnes ressources sur ces méthodes d’intelligence collective.

En résumé ces objectifs sont de : construire un plaidoyer argumenté, favoriser une communauté d’apprentissage, s’assurer des prérequis, dont la disponibilité du matériel nécessaire.

Esquisse d’une typologie des expérimentations et premiers enseignements

Comment se repérer dans le foisonnement des expérimentations présentées ? Une manière simple est de les classer en fonction de leur place dans les grandes étapes des projets ou programmes[1].

En amont du projet, s’appuyer sur les usages permet de construire de meilleurs cahiers des charges et programmes. Des méthodes misent sur l’immersion et l’approche sensible pour mieux comprendre et observer les usages.

  • Exemple d’outil d’immersion: pour faire évoluer une commande classique de valorisation de l’attractivité du campus du Plateau de Saclay, l’Institut propose une série de marches sensibles à différentes catégories d’acteurs qui sont aussi des usagers du territoire (étudiants, usagers, enseignants/chercheurs, entreprises). L’arpentage permet de prendre conscience des usages, des besoins et problèmes concrets du territoire qui étaient « hors radar ». C’est aussi l’occasion d’échanger en situation entre parties prenantes, d’élargir sa représentation des problèmes et solutions, de partager un temps convivial. Pour les parties prenantes, la méthode agit comme un « électrochoc ». Elle contribue à l’élaboration d’un programme qui prend mieux en compte la diversité des usages et permet d’adopter une démarche ouverte identifiant des problèmes sur lesquels il est possible d’agir.

En début de projet, organiser une veille créative avec des exemples inspirants et des récits du futur, alimente le projet

  • exemple d’outil de veille créative : dans l’expérimentation « un tiers temps pour un tiers lieux » menée dans le cadre du programme (Dé)formations, la demande initiale de la commune de Paray-Vieille Poste et du CAUE qui l’accompagne dans un projet d’urbanisme transitoire est d’organiser un court temps d’échange entre partie prenante pour faire le point sur l’avancée du projet, clarifier les objectifs et dénouer les tensions. Puis, par effet rebonds, deux autres séquences d’une heure trente sont demandées : l’une pour exposer des exemples inspirants pouvant alimenter le projet ; l’autre pour échanger autour de récits fictifs situés en 2040 d’expériences d’habitants dans le lieu du projet d’urbanisme transitoire. Ces supports ont permis à des acteurs de réagir à des images d’un futur souhaitable ou indésirable.
  • 2ème exemple d’outil de veille créative : pour accompagner les élus de l’Agence des Espaces Verts (AEV) dans l’élaboration de leur stratégie de mandat, les équipes du DEUR et de l’AEV préparent une revue de presse fictive et prospective. L’idée est d’imaginer et de raconter de manière journaliste différentes réalisations et résultats concrets et réalistes, à horizon 2040. Le dispositif proposé permet des échanges autour des coupures de presse, une notation par les élus sur un critère de désirabilité et par les techniciens sur un critère de faisabilité, puis un exercice d’élaboration par les élus d’un plan d’action. La méthode facilite les échanges et l’imagination et donne du sens par la mise en récit. Le travail préparatoire amont entre l’Institut et l’AEV permet de partager une vision de l’avenir et a été une vraie bonne surprise.

Ces deux exemples témoignent de l’intérêt des méthodes prospectives et fictionnels, de la puissance des récits prospectifs et de l’importance des imaginaires.

L’étape centrale de la co-conception permet d’associer les usagers et opérateurs à la conception des projets ou programmes, d’organiser des espaces et temps collaboratifs pour faciliter l’expression des parties prenantes.

  • Exemple d’outil de co-conception : dans le cadre de la préparation du Sdrif, l’équipe projet de l’Institut été invitée à commenter/compléter avec des post-it une carte mentale mettant en relation les principales thématiques du document de planification. L’objectif est d’enrichir chaque thématique ainsi que la vision globale du projet en sollicitant chaque membre de l’équipe projet, donc tous les métiers de l’Institut, de façon transversale, y compris hors de son propre champ d’expertise. L’objectif est que chacun s’exprime, y compris sur ce dont il n’est pas spécialiste, de façon spontanée. Les retours d’expériences sont positifs : cela permet d’avancer avec plus d’efficacité sur le document de planification et contribue à une culture commune dans l’équipe projet.
  • 2ème exemple d’outil de co-conception: dans l’expérimentation menée par l’ARB dans le cadre du programme (Dé)formations, une dizaine d’élus d’une même communauté de commune sont invités à co-construire in situ un projet de renaturation d’une place de village. Pour enrichir le projet, un « speed dating » est organisé entre les 3 groupes d’élus et 3 associations locales (CAUE 77, SEME 77, OPIE) : chaque groupe d’élus présente sa proposition à l’une des trois associations qui réagissent à chaud, puis les élus retravaillent leur projet à partir des remarques et questions formulées par les associations, avant de présenter le résultat en grand groupe. Cette circulation créée une dynamique et une émulation et le projet s’enrichit au fil des échanges élus/associations.

Une fois le projet amorcé, formaliser et représenter des propositions de manière à les rendre partageables et appropriables.

  • Exemple d’outil de facilitation graphique. Lors d’une mission sur l’économie circulaire à Abidjan, les parties prenantes présentent un plan d’action en 200 mesures. Le recours à la facilitation graphique aide les participants à prioriser les mesures et à aboutir à un plan d’action plus synthétique et opératoire. Mais la facilitation graphique peut aussi être utilisée pour partager un compte-rendu d’entretien en temps réel et s’assurer des points d’accords ou pour dessiner des propositions sur un fond de carte afin de les territorialiser et de les rendre plus concrètes. Et il n’est pas nécessaire de savoir dessiner. Un schéma, l’utilisation de symboles ou flèches sur un fond de plan sont très efficace !

Ce rapide survol, qui n’est pas exhaustif, montre que la plupart des expérimentations racontées lors des ateliers se situent en amont d’un projet ou programme. Il y a une nécessité de mobiliser ces méthodes et les outils du design dans la phase amont et d’explorer un sujet en s’appuyant sur ces méthodes pour faire bouger les lignes et le faire de manière très concrète.

Auteure : Brigitte Guigou, Institut Paris Région

[1] Voir le 4 pages de l’agence Vraiment Vraiment : « Le design des politiques publiques. Outiller l’innovation des politiques publiques »: https://universiteinnovationpublique.files.wordpress.com/2018/05/designdepolitiquespubliques.pdf