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Cette fin de décembre est l’occasion de rassembler les complices du projet pour partager les enseignements, les frustrations, les envies d’après… de ce programme qui touche à sa fin. Depuis son démarrage en 2020, ponctué par la crise sanitaire et les différents confinements, les transformations se sont encore accélérées : crise énergétique, sécheresse et incendies de l’été passé, etc. Le dérèglement climatique s’accélère, comme les défis et les conflits qui l’accompagnent. Accélérer les transitions est devenu l’enjeu principal, des thèmes hier tabous ou sous le radar comme la sobriété ou la redirection écologique sont aujourd’hui sur la table… mais laissent les élu.e.s désemparé.e.s : comment arbitrer, comment rendre acceptable, voire désirable des choix qui impliquent renoncements et fermetures ?

En parallèle, le sujet de la formation des élu.e.s a émergé de manière plus forte dans l’agenda… L’État affiche aujourd’hui l’objectif de former 30 000 maires en 2 ans aux enjeux d’adaptation au changement climatique, de décarbonation et de biodiversité. Le Conseil Régional Ile de France a quant à lui adopté en septembre 2022 son plan d’adaptation au changement climatique, dont une des actions concerne dès 2023 des démarches de sensibilisation pour les élus locaux et leurs administrations.  Dans ce contexte, quels enseignements utiles tirer de (Dé)formations ? Quelles suites imaginer ? Voici donc, en guise de contribution, à quoi ressemblerait notre ‘anti-plan de formation’ des élus et élues.

Une formation en mode permaculture, pour prendre soin des élu.es

Un des premiers constats de notre enquête est l’abondance d’offres disponibles sur les sujets liés aux transition : formations ponctuelles sur les enjeux de la mobilité, clubs d’acteurs sur la méthanisation, webconférences sur l’objectif ZAN, podcasts sur les villes en transition, etc. Nous avons donc dans nos tests cherché à penser la formation en partant des difficultés, des irritants, et des besoins rencontrés par les élu.e.s dans l’exercice de leurs mandat, plutôt que depuis un corpus de connaissances disponibles. Nous avons ainsi testé des dispositifs leur permettant aux d’être les curateurs de leurs formations en partant de leurs propres besoins et expériences (outil d’auto-diagnostic), ou encore en prenant comme point de départ les problèmes concrets qu’ils rencontrent (groupe de pairs, urbanisme transitoire). Nous avons aussi cherché à transformer les modalités de rapport à l’expertise de chercheurs, de techniciens, ou d’autres acteurs (élus enquêteurs), par exemple en faisant évoluer la posture de l’élu depuis celle dedécideur vers celle d’enquêteur ou d’animateur, en en soulignant les complémentarités, en créant un espace d’entraide.

Notre anti-plan de formation pense ainsi la formation davantage comme une pratique de réciprocité que de transmission ; elle s’organise de façon plus modeste et horizontale. Le formateur dédie du temps à la définition des besoins, son rôle est moins d’animer que de poser un cadre de confiance et de garantir la possibilité d’échanges libres.

Une formation pour repolitiser les sujets techniques

Plutôt que de construire de nouvelles thématiques de formations aux transitions, nous avons testé d’autres manières d’approcher ces enjeux  : il s’agit moins d’engranger de nouveaux savoirs que de décider de manière plus collectivement (Cluny), de forger des coalitions (ARB), de développer du plaidoyer (sobriété), etc.

Nous avons ainsi expérimenté des formats susceptibles de transformer les postures : d’une approche individualisée de la formation vers une perspective permettant de croiser les points de vue des parties prenantes d’un territoire (élus, techniciens, acteurs du territoire), de stimuler la coopération et l’entraide entre acteurs, afin de faire levier vers des approches plus collectives. Quelles seraient les bonnes échelles pour penser des formations plus collectives et territoriales, susceptibles d’animer les bonnes complémentarités, mais également de favoriser davantage de diversité? Communauté de communes, réseau départemental, réseau régional ?

Pour autant, si nous avons réussi à aborder sous un angle plus politique des sujets assez techniques (méthanisation, rénovation énergétique, etc.) , le temps et les moyens nous ont manqué pour expérimenter de manière plus structurante autour des défis émergent aujourd’hui pour les exécutifs locaux : renoncement, sobriété, redirection, font déjà partie des thèmes de travail de certains exécutifs. Comment accompagner ces réflexions à la fois dans la gouvernance des équipes municipales, avec l’administration, avec les habitants et les acteurs locaux? Chantier à poursuivre !

Une approche par l’acupuncture, pour bien choisir sa cible

Comment mieux cibler l’offre de formation, au-delà d’un objectif de sensibilisation ? Les connaissances des élu.e.s sur les enjeux de transition, leur outillage technique, leurs besoins,leur rôle et leur parcours sont évidemment divers … Pour penser la formation des élu.es de manière plus stratégique et « faire levier », quel sont, dans les exécutifs, les points d’acupuncture à mobiliser ? A côté des élu.es aux transitions, les élu.e.s aux finances, à l’aménagement urbain, au développement économique, sont autant de compétences stratégiques. Peut-être faut-il, au-delà d’une offre de formation plus traditionnelle, investir comme des temps de formation aux transitions les exercices de planification ? Notre anti-formation des élu.e.s chercherait par exemple à remettre la transition au coeur des sujets financiers en s’immisçant dans la construction du Plan pluri-annuel d’investissement.

Une approche par l’expérimentation, la réflexivité et les communs, pour monter en qualité

Le besoin d’un espace de R&D et de « communs », pour le secteur concurrentiel de la formation des élu.e.s faisait partie de nos hypothèses de départ. Comment expérimenter plus collectivement pour adapter l’offre aux besoins réels? Comment permettre aux acteurs de l’offre de mieux coopérer pour monter en qualité, articuler la formation avec d’autres modes d’intervention, etc. ?

Embarquer des acteurs de l’offre dans une approche expérimentale a permis aux partenaires et complices de (dé)formation de mieux s’approprier ce type de démarches et de mieux calibrer l’expérimentation ‘in vivo’, afin de la rendre plus lisible et confortable pour les élu.e.s participants, et d’en tirer des enseignements. Pour cela, quelques conseils :

. Poser  une hypothèse de départ,  un premier diagnostic, une  intuition à vérifier…  Et si, plutôt que d’être auditeurs, les élu.e.s devenaient enquêteurs ? Et si on partait des problèmes plutôt que des réussites? etc. Cette étape est importante car elle permet à la fois de définir les objectifsdu test, et de mieux cerner le type d’apprentissage que l’on pourra en attendre. Elle permet aussi d’être plus audacieux dans ce que l’on s’autorise à tester.

. Etre transparent, s’accorder un droit à l’erreur : nous avons partagé la dimension expérimentale de chaque test avec des élu.e.s ; cela demande d’avoir suffisamment d’énergie et de conviction pour proposer une approche un peu décalée, embarquer les participants et les partenaires, tout en clarifiant le fait que le test est borné dans le temps, etc.

. Enfin, documenter, évaluer le test, à chaud, à tiède… Il ne s’agit pas ensuite de reproduire un format ‘test’, mais de comprendre ce qui a fonctionné, ce qu’il faut améliorer, etc. et le faire de la manière la plus collective possible. Dans (dé)formations, les tests étaient au moins aussi intéressants que les discussion qu’ils ont éveillé avec nos complices acteurs de l’offre de formation sur la manière dont ceux-ci questionnaient leurs pratiques…

 

Si (dé)formations a permis une approche plus expérimentale et réflexive de la formation des élu.e.s, un anti-plan de formation devrait prolonger cette démarche en défendant une approche plus systémique de la formation, en animant des complémentarités de rôle, des synergies d’action au sein d’un même territoire, ou encore en faisant davantage coincider l’effort de formation avec la conduite des projets Ceci pourrait par exemple s’incarner dans des espaces de co-développement entre les acteurs de la formation des élu.e.s d’un même territoire. Le chantier reste ouvert : face à l’ampleur des besoins et défis, il est indispensable d’y consacrer du temps et de l’intelligence collective.