Mi-décembre 2020, un premier temps d’immersion collective auprès d’élus de l’ouest de l’Essonne a fait entrer de plain-pied l’équipe du programme (Dé)formations dans la phase d’enquête collaborative destinée à réinterroger les objectifs, les formats et les contenus de formation des élus périurbains et ruraux aux transitions. Trois jours qui ont permis à une quinzaine d’entre nous de rencontrer plus d’une vingtaine d’élus aux profils très divers – anciens ou nouveaux, actifs ou retraités, de villes ou de villages, que l’ALEC (agence locale énergie climat) Ouest-Essonne, mais aussi la Communauté d’Agglomération de Paris-Saclay et la communauté de communes du Dourdannais nous avaient très utilement aidés à identifier, à mobiliser et à contacter. Nous avons mené ces entretiens au cours d’un sprint intensif de 3 jours en décembre. Pour chacun d’entre eux, nous étions 4 à 5 représentants des partenaires du projet face à un.e ou plusieurs élu.e.s. Entre chaque entretien, nous prenions un temps pour échanger et débriefer entre nous.
L’immersion “à distance”, c’est possible ?
En raison du confinement, l’essentiel de cette phase d’immersion s’est déroulée à distance, même si nous avons tenu à ce que deux d’entre nous soient présents physiquement au siège de l’Alec Ouest Essonne à Palaiseau pour la séance de lancement. Nous avons été surpris de découvrir que ce format particulier présentait quelques avantages : l’économie du temps de déplacement entre les entretiens qui nous a permis d’assister plus nombreux à chacun d’eux et de renforcer nos références communes, la possibilité de réunir pour le même entretien des élus de zones géographiques diverses (périurbaine et rurale) sans contrainte supplémentaire de déplacement pour eux, ou encore s’installer virtuellement à quatre au coin de la cheminée d’une élue par une fin d’après-midi d’automne. En revanche, nous avons aussi certainement manqué les informations sensibles ou apparemment sans importance mais souvent clé que l’on glane quand on prend un café en face de la mairie ou qu’on est raccompagné sur le perron par un élu.
Une enquête par la maquette, toute une aventure !
Pour aller à la rencontre des élus et identifier avec eux leurs besoins de formation, nous avons choisi de nous appuyer sur une méthode issue du design, l’enquête “par la maquette”. Il s’agissait de leur soumettre plusieurs propositions de formations fictives et de leur demander de réagir aux contenus, formats, promesses de 3 plaquettes très différentes en termes : de rythmes et durée, de contenus , de casting, etc … Ces maquettes ont été bâties sur la base des enseignements de notre première phase de benchmark et de croisement de nos expériences (lien vers les trois premiers articles).
Les hypothèses que nous avons tirées de ce travail ont été traduites en proposition de formation sur laquelle nous avons forcé le trait de grandes tendances : 3 promesses bien différentes, formation trèèèès longue (1 ans) ou express, en ligne ou immergée sur un ou plusieurs terrains, diverses configurations de participants, etc.
Nous avons ainsi abouti à 3 maquettes de programmes de formation :
“Prioriser vos défis”, proposant aux élus d’une même intercommunalité de définir ensemble, sur un menu de 15 thématiques en lien avec des enjeux de transition, leurs 5 sujets prioritaires ; ils travailleront chacun des modules en ligne pour aboutir à 5 feuilles de route.
Écouter la présentation de la formation “Vous avez promis la lune, c’est le moment d’être plus précis” ici
“Construire un projet démonstrateur”, proposant aux acteurs d’une même commune (élus avec leurs interlocuteurs clés) une formation “commando” pour faire démarrer un projet clé et emblématique de leur engagement dans la transition. Elle offre un accompagnement méthodologique et thématique d’une semaine, embarquant les acteurs du territoire.
Écouter la présentation de la formation “Vous avez dit être prêts, c’est le moment d’y aller!” ici
“Prendre de la hauteur”, invitant les élus à une année de rendez-vous réguliers de 2 jours entre pairs élus issus de différents territoires pour s’inspirer de témoignages d’experts, des visites de terrains et voyages d’études en France et en Europe.
Écouter la présentation de la formation “Vous avez promis d’ouvrir les possibles ? c’est le moment de prendre de la hauteur!” ici
Un fil de discussion pas à pas …
Chacune de ces propositions a été déclinée en divers supports destinés à les rendre les plus concrètes possible : une carte à réaction résumant le parti pris de la formation et sa promesse, un témoignage sonore fictif d’élus ayant suivi la formation et enfin une plaquette détaillant le programme, le calendrier et les intervenants de la formation. L’ensemble de ces éléments formant un kit d’enquête a été adressé en amont aux élus, avec pour consigne de ne pas les ouvrir avant l’entretien d’enquête, et une plateforme en ligne.
Les élus ont découvert ces formations progressivement : via l’écoute des témoignages d’élus, puis en prenant connaissance des cartes à réaction de chaque formation, et enfin via la maquette plus approfondie de la formation qui avait recueilli leur préférence. À chaque étape, ils ont été invités à réagir spontanément, à nous livrer leur compréhension et réception de ces supports, à nous dire si ces propositions leurs semblaient réalistes, susceptibles de correspondre à leurs besoins et pourquoi.
L’exercice a été très riche, et nous avons pu constater la pertinence du prétexte à discussion fourni par ces maquettes. Les témoignages sonores de nos “faux élus” ont été très utiles pour rompre la glace en début d’entretien et ont permis aux élus interrogés de se projeter plus facilement dans les différentes propositions. Ces supports ont ainsi suscité des réactions contextualisées, directement liées aux contraintes d’agenda, aux marges de manœuvre et attentes immédiates des élus.
S’agissant d’un exercice réalisé “en chambre”, à l’issue d’ateliers de co-construction entre les représentants de l‘équipe du projet “(Dé)formations”, elles ont aussi révélé nos propres représentations sur les attendus de la formation des élus et quelques effets de “jargons” professionnels ; autant d’implicites auxquels les réactions de certains élus face aux maquettes nous ont confrontés. Coté vocabulaire certaines expressions ne faisaient pas écho pour eux, voire ont irrité, considérant qu’ils n’attendent personne pour “entrer en immersion », faire “atterrir » la transition ou pour “construire une posture d’élu”… et que certaines formules utilisées relevaient d’un “langage de Parisiens”, car “on ne parle pas comme ça ici”…
Auteur.e.s :
Nicolas Laruelle, urbaniste, département environnement urbain et rural à l’Institut Paris Région
Anne-Claire Davy, chargée de projet Habitat et modes de vie, département Habitat et Société à l’Institut Paris Région
Mathilde François, agronome, conseil en coopérations territoriales au sein de l’agence Partie Prenante
Emeline Lavocat, designer à La 27e Région
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