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Dans les précédents billets nous vous racontions comment s’était déroulé notre immersion et notre « enquête par la maquette »  auprès de (vrais) élus. Ces entretiens se sont déroulés mi-décembre et se sont poursuivis tout au long du mois de janvier. Une restitution a été présentée le 25 janvier aux élus interrogés et à l’ALEC Ouest Essonne. En parallèle nous avons lancé le premier « groupe miroir » qui s’est tenu le 27 janvier et qui rassemblera régulièrement des personnes ressources partageant de près ou de loin nos questionnements sur la formation des élus à la transition. 


Nos constats « à tiède »

Après une première synthèse « à chaud », nous avons laissé reposer un peu cette matière et en avons tiré une quinzaine d’enseignements et constats, que nous vous présentons en substance ci-dessous (un texte plus étoffé est consultable sous ce lien, ainsi que la présentation proposée lors des différents temps de restitution)

1. Le premier constat, partagé par les élus dans leur grande majorité est celui d’un temps très limité à consacrer à la formation.

2. La temporalité du mandat semble également une donnée essentielle, et les besoins ne seront pas les mêmes en début ou en fin de mandat.

3. Les besoins sont d’une grande diversité selon le profil des élus, la maturité politique, les compétences professionnelles, la taille de la commune et bien sûr la délégation. Le genre peut également être déterminant. Bref une typologie est à bâtir pour être en capacité d’adresser des formations adaptées à chacun des profils.

4. La formation est rarement pensée comme stratégique pour accompagner les élus, à se demander même si le mot formation n’est pas un obstacle. En tout cas, il y a des préalables à la formation et il est important que l’exécutif, et le Maire en premier lieu, reconnaissent l’importance pour les élus de se former.

5. Les élus évoquent également une offre de formation à la fois foisonnante et trop spécifique ou ne répondant pas à leurs besoins concrets. On perçoit aussi un sentiment d’urgence certainement accentué par l’urgence climatique et l’image que leur renvoient les citoyens, celle d’une action publique trop lente.

6. Créer une dynamique collective, bâtir une culture commune est une attente formulée de manière assez unanime. Cependant, le « collectif « renvoie à diverses définition : la majorité, la majorité et l’opposition, la majorité et les employés municipaux, des binômes élus-agents, des élus et des habitants…

7. Autre question, celle du bon périmètre de ce collectif : il semblerait que l’échelle de la dynamique collective, de l’action, de l’efficacité, du projet commun soit plutôt l’échelle locale. Un constat, presqu’unanime, est le besoin d’échanger entre élus du territoire, de construire ses réseaux, de faire des visites dans les territoires proches et avec ses pairs élus.

8. La nécessité d’embarquer les moins convaincus est largement partagée : ne plus passer pour un «casse pieds» auprès de l’élu aux finances quand on parle d’écologie !

9. La plupart des élus expriment une attente de formations opérationnelles, en prises avec le concret : ils soulignent à la fois une attente de contenus opérationnels mais aussi de réflexivité par rapport à leurs propres projets, leurs propres pratiques.

10. Les élus souhaitent prendre du recul et s’inspirer, mais sont réticents à aller trop loin. Au sens géographique, mais aussi sans y consacrer trop de temps. La nécessité de formations frugales, courtes, économes des deniers publics, permettant de passer rapidement à l’action est largement partagée. Mais l’envie d’aller voir ce qui marche ailleurs est néanmoins présente.

11. Certains considèrent la transition comme étant indissociable d’une démocratie renouvelée qui nécessite de nouvelles collaborations entre acteurs et une implication des citoyens. Plusieurs font d’ores et déjà état d’initiatives intéressantes, d’autres tâtonnent, s’interrogent et souhaitent des outils, des exemples pour s’appuyer sur la plus-value citoyenne. Il est aussi question de contribuer à redonner confiance dans l’action publique.

12. Les échanges informels, les temps en marge de la formation (le trajet, le déjeuner, la pause-café) ou les conversations « off » avec d’autres élus sont plébiscités. D’où l’importance de maintenir des séquences de formation en présentiel.

13. « Le job d’un élu, c’est de travailler avec ses services ». Une majorité d’élus s’appuie fortement sur les services techniques de leur commune pour la continuité de l’action publique. Certains élus sont par exemple intéressés par l’idée d’être formés avec leurs services sur les mêmes sujets, pour partager une culture commune, mais pas nécessairement ensemble.

14. Face à la nécessité de mobiliser l’ensemble des parties prenantes – élus, services techniques, habitants, société civile… – sur le sujet complexe, transversal et exigeant des transitions, les élus sont souvent démunis. Former à “gérer” le conflit pour aller vers des solutions partagées, travailler à une typologie des conflits, proposer des outils de simulation, sont des pistes pour la suite de la démarche.

15. Des formations aux transitions transversales et/ou ciblées ? Pour les élus le terme “transitions” recouvre des réalités très diverses et des thèmes larges : énergie, biodiversité, mobilité durable, économie d’espace, alimentation… Former aux transitions, c’est à la fois former à des questions techniques, opérationnelles, organisationnelles mais aussi à la transversalité inhérente à la démarche. C’est aussi, pour certains, ne pas oublier des sujets importants mais peu abordés, comme la dimension sociale de la transition.


Les retours du premier « groupe miroir »

Nous avons avons imaginé, pour faire vivre le projet au-delà de ses partenaires directs, un groupe miroir dont l’objectif est d’embarquer des personnes ressources dans notre travail collectif, et de partager avec eux nos avancées, et en retour de nous enrichir leurs expériences et de nous aider à « dézoomer ». Il est amené à se réunir régulièrement tout au long du programme Dé-formation. Le premier temps de ce groupe de travail a rassemblé environ 25 personnes elles-même élues ou impliquées dans la formation ou l’accompagnement aux élus, partout en France : organismes institutionnels ou associatifs engagés dans la formation des élus à la transition, comme l’Ademe, le Cerema, l’ANCT, l’Ihedate, ou collectivités locales ayant mis en place des dispositifs spécifiques pour leurs élus.

L’après-midi a débuté par un temps de présentation de notre démarche et des premiers enseignements tirés de l’ « enquête par la maquette » puis s’est poursuivi par un temps d’échange en petits groupes de quatre à cinq personnes ciblé sur les thématiques du contenu des formations et des formats pratiqués par les personnes ressources. Les participants ont globalement confirmé nos enseignements, une démarche similaire a même été menée. Les échanges en petits groupes, très riches, nous ont également ouvert d’autres pistes ou permis de préciser certains points :

Que ce soit en amont pour guider un choix, au cours de la formation pour ajuster un contenu, adapter le programme ou dans la façon d’aborder le contenu, il semble important de partir des projets des élus, voire d’accompagner leurs projets.

Les participants font remonter des besoins différents quant aux sujets de la formation : Certains souhaitent s’outiller en méthodologie, en montage de projet, en financement, pour optimiser le peu de temps dont ils disposent, notamment dans les communes dotées de peu d’ingénierie. D’autres, déjà convaincus, cherchent comment s’adresser à la population, comment communiquer sur les actions mises en place par la commune et la sensibiliser à ses démarches. Quelques sujets techniques ont été énoncés : plan vélo, RE 2020, qualité de l’air intérieur,  transition énergétique, la biodiversité, la prévention des risques et changement climatique, le foncier.


Trois objectifs / moyens semblent se distinguer :


Acquérir des compétences, des savoirs et savoirs faire
, pour gagner en confiance (sans pour autant endosser le rôle de super héros) ; Se forger une culture commune, créer des représentations communes au sein d’un groupe d’élus, avec les techniciens, pour donner du sens au collectif, assurer la cohésion et permettre la prise de décisions ; Rejoindre une communauté d’acteurs, échanger librement entre élus mais aussi avec les techniciens. La communauté peut être liée à un territoire ou à un sujet spécifique, suivant le mode d’animation de la formation. La formation doit permettre de créer de véritables espaces de dialogue entre élus. Elle peut proposer des temps d’échange variables intégrant des publics différents.


Réussir le temps partagé

Le temps collectif semble essentiel. Pour autant quelque chose doit prendre entre les personnes présentes, la cohésion dans le groupe est un facteur important de réussite. Pour cela il faut que tous les participants soient à l’aise le plus rapidement possible. Par exemple, mettre en place des temps très interactifs, qui permettent de sortir de sa posture habituelle, que chacun soit sur un pied d’égalité. Les participants au groupe miroir évoquent des jeux de rôle, les temps de visite de site, comme de bons moyens de créer cette « bulle » autour de la « promo ».


Le format de la formation doit pouvoir intégrer ces différents aspects.

Il semble devoir être : séquencé pour ne pas immobiliser les personne plus d’1/2 journée à la fois ;  répété, régulier, cyclique pour se laisser le temps d’aborder plusieurs thématiques ; combinant distanciel et présentiel, chacun permettant des choses que l’autre n’apporte pas (d’un côté faire à son rythme, gagner du temps, acquérir des bases, de l’autre être ensemble et sur le terrain, créer une bulle collective, échanger et s’informer) ; modulable, selon la définition initiale de la demande et le groupe de participants, selon l’intérêt porté par chacun à certains ou à tous les modules.

Il ne s’agit donc vraisemblablement pas pour nous uniquement d’endosser le rôle de formateur, mais aussi celui d’animateur de communauté et de facilitateur de projet. Ou de nous inscrire dans des réseaux nous permettant de compléter et d’articuler ces trois positions.


La suite

Ces prochaines semaines, nous préparerons de premiers idées et scénarios de formation à tester, sous la forme de « briques » à assembler. Nous vous en dirons plus dans les prochains billets !

 


Autrice.s :

Aliénor HEIL SELIMANOVSKI, ​Architecte Urbaniste, Chargée d’études économie de l’aménagement, Département Urbanisme Aménagement Territoire à l’Institut Paris-Région
Brigitte GUIGOU, ​Chargée de mission formation et partenariat recherche, Direction Générale à l’Institut Paris-Région