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La perte de la biodiversité a des conséquences en chaîne (changement climatique, accroissement des risques pour la santé humaine…). Faire une ville favorable à la biodiversité en s’appuyant sur les solutions fondées sur la nature constitue une des réponses possibles. L’enjeu est de construire localement des projets urbains favorables à la biodiversité et adaptés au changement climatique, fondés sur des solutions par la nature. Mais ces manières de faire, profondément différentes des modes habituels de conception des projets urbains, restent mal connues. Comment les diffuser et faciliter leur appropriation auprès des élus locaux du rural et du périurbain qui sont en première ligne face à ces enjeux ? Comment accompagner ces élus qui ont peu ou pas de services techniques, peu de ressources financières et des besoins réels d’appui et d’ingénierie auxquels, faute de moyens, ils ne peuvent généralement pas répondre.

Un speed dating entre élus et associations

Pour cela nous avons réalisé une expérimentation sur le territoire de la Communauté de Communes de la Brie des 2 Morins, dans le village de Jouy-sur-Morin en Seine-et-Marne. Elle a rassemblé huit élus (Maires ou adjoints), trois associations locales, un représentant du Parc Naturel Régional (PNR) en préfiguration, des techniciens de la communauté de communes, et l’Agence Régionale de la Biodiversité (ARB)/Institut Paris Region (IPR).

L’expérimentation visait à faire connaître aux élus l’offre de services, gratuite et de qualité, des associations locales et à les convaincre de son utilité pour faire émerger des projets adaptés et favorables à la biodiversité.

A travers cette expérience, il s’agissait de vérifier plusieurs hypothèses :

  • • Les élue.e.s ont besoin de mieux connaître et trouver des ressources sur leur territoire pour contribuer à faire système localement et construire des coopérations enracinées dans le territoire.
  • • Les associations locales sont une des ressources essentielles pour aider les élus à faire émerger des projets urbains favorables à la biodiversité, enrichir les projets et développer des approches plus concertées
  • • Faire la formation in situ, sur le lieu du projet et s’appuyer sur les propositions de projet concrètes des élus pour faire réagir les associations est la bonne manière de procéder pour faire levier pour de l’interconnaissance et des collaborations plus pérennes entre élu.e.s et associations locales sur les sujets de la biodiversité.

Une méthode simple à mettre en œuvre

L’expérimentation s’est inscrite dans une formation de trois demi-journées :

  • • la 1er demi-journée a été consacrée à une fresque de la biodiversité,
  • • la 2ème a permis des apports de contenus sur le sujet de la biodiversité et des solutions fondées sur la nature
  • • la 3ème a été consacrée à l’expérimentation.

L’expérimentation a été coordonnée par Klaire Houeix (ARB îdF) avec Gabrielle Huart (ARB), Jeanne Rouillard (IPR) et Brigitte Guigou (IPR).

Lors de cette dernière demi-journée, les huit élus ont été répartis en trois sous-groupes et ont travaillé sur un projet de requalification d’une place de centre bourg. La session s’est déroulée in situ, à proximité immédiate du site du projet. Pour leur projet, les élus se sont appuyés sur les contenus délivrés lors des deux demi-journées précédentes d’acculturation aux questions relatives à la biodiversité et aux solutions fondées sur la nature. L’objectif du projet était d’adapter les territoires aux changements climatiques globaux.

Le speed dating a été organisé avec trois associations locales (Seine et Marne Environnement, CAUE 77, Office pour la Préservation des Insectes et de leur Environnement (OPIE)). Le déroulé a été le suivant :

  • • travail en trois sous-groupes d’élus sur le projet (20 mn) présentation du projet à une association qui réagit (10 mn), retour en sous-groupe pour enrichir le projet (20 mn), et ce à trois reprises.

A la fin de la matinée chaque sous groupe présente son projet à l’ensemble des participants puis un bilan global de la ½ journée est organisé.

Quels retours d’expériences sur la fond et la forme ?

L’expérimentation a bien fonctionné : il y a eu une bonne complémentarité entre les trois associations, leurs commentaires et questions sur les projets ont été qualitatifs et sans jugement et ont fait avancer les trois groupes d’élus. Les temps d’interaction associations/groupes d’élus ont relancé la réflexion des élus sur le contenu de leurs projets et créé de l’émulation. Ils ont contribué à la mise en place d’une dynamique favorable.

L’organisation de l’expérimentation sur le site du projet a été un plus : les élus ont vu le site, ses alentours, l’exposition, l’ambiance… et en ont tiré des enseignements pour construire leur projet.

Le bilan à chaud des élus était aussi très positif, on peut même dire enthousiaste, plusieurs souhaitant renouveler le format et faire appel aux associations pour les accompagner dans l’élaboration de projets. Les élus ont bien pris conscience qu’ils pouvaient s’appuyer sur les associations ; ils sont repartis avec des contacts et, pour certains, la volonté de.faire appel aux associations.

La question de la relation avec les techniciens et de la complémentarité des rôles élu.e.s / techniciens n’a pas pu être posée et traitée, faute de temps.

Et maintenant ? Quelques conseils pour reproduire l’expérimentation et l’améliorer

Cette expérimentation va être reproduite. En effet à la demande d’élus et d’associations, plusieurs projets de formations d’élus mobilisant des associations sont en cours pour la fin de l’année 2022. Ce nouveau format s’intègre aujourd’hui à l’offre de l’ARB.

Ces nouveaux modules tiendront compte des recommandations issues de l’expérimentation. Durant la deuxième ½ journée, les formateurs apporteront d’avantage de matière et de contenus sur la  biodiversité, territorialisée, spécifique : quelles sont les actions concrètes en faveur de la biodiversité, les liens entre climat, adaptation et biodiversité ? Le manque de connaissances et savoir-faire sur les solutions concrètes a en effet un peu appauvri la conception des projets des élus. Par exemple la question de la pollution lumineuse (comment réduire l’éclairage la nuit sur la place du village ?), des différentes manières de tailler les arbres ou des choix d’essences de végétaux et de leur association pour favoriser la biodiversité végétale et animale, ont été peu pris en compte dans les projets.

D’autre part il sera intéressant de scénariser davantage le speed dating. Il faudra prévoir davantage de temps car le timing était trop juste, ce qui a laissé trop peu de temps aux échanges. Enfin le rôle du grand témoin (en charge de la préfiguration du PNR) sera pensé de manière plus coordonnée avec les objectifs pédagogiques de la formation.

Quels enseignements pour la formation des élus ?

. Choisir des associations locales diverses et complémentaires

. Veiller à une bienveillance et une absence de jugement dans les commentaires des associations sur le projet

. Réaliser la formation sur site, à proximité du projet, inciter les élus à aller voir, prendre des notes, réaliser un diagnostic de la situation

. Scénariser le speed dating et la séance de restitution

. Prévoir un temps convivial en début et fin de formation et mettre en scène les échanges de contacts entre élus et associations.

Auteures : Brigitte Guigou et Klaire Houeix